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    dimanche 27 septembre 2015

    Homme bionique : la réalité dépasse la fiction


    Perte de la vision, de l'audition, de la marche, du contrôle des mouvements... Bientôt l'électronique restaurera les connexions défaillantes.

    Encore loin des prouesses de « l'homme qui valait trois milliards » et de « Super Jaimie », les icônes bioniques des séries télévisées américaines des années 1980, les implants électroniques transforment pourtant déjà la vie de certains patients et devraient évoluer très rapidement dans les dix prochaines années. Si les pacemakers, destinés à pallier les insuffisances cardiaques, sont implantés en routine, les chercheurs affinent les implants auditifs et développent rétines artificielles et autres dispositifs de stimulation neuronales. Mais des recherches au niveau des électrodes, des sources d'énergie ou de la chirurgie sont encore nécessaires pour restaurer les fonctions sensorielles ou motrices grâce à des dispositifs électroniques implantés.

    Dans cette course, les implants auditifs ont une bonne longueur d'avance. Arrivé depuis un an en France, l'implant Esteem de la société américaine Envoy Medical est une petite merveille. Il offre un atout de taille en s'affranchissant du microphone : il utilise le tympan. « Le patient y gagne une grande clarté des sons, sans résonance même s'il se trouve dans des endroits bruyants », souligne Magali Boulais, responsable de la filiale française d'Envoy Medical. Les chercheurs de la société planchent désormais sur l'allongement de la durée de la batterie. Elle procure actuellement une autonomie d'environ neuf ans. Pour la changer, une petite incision sous anesthésie locale derrière l'oreille suffit.

    Les promesses de la neurostimulation

    La rétine artificielle n'en est pas au même stade. Pour le moment des dispositifs existent mais le patient visualise seulement des taches lumineuses. Le défi est d'atteindre une résolution suffisante pour permettre la lecture. « L'implant est complexe et la puissance de calcul pour restaurer cette fonction, considérable. Mais chaque jour qui passe voit la puissance de calcul progresser et la consommation d'énergie nécessaire diminuer », explique Georges Rochat, fondateur et PDG de la société suisse Valtronic Technologies. Pour lui, d'ici à cinq ou dix ans, il y aura sur le marché de jolies lunettes qui abriteront une batterie en liaison avec un petit implant posé sur la rétine.

    Des avancées très attendues


    > En France, près de 5 millions de personnes vivent avec des pertes d'audition.
    > 1,5 million de personnes souffrent de dégénérescence maculaire liée à l'âge qui entraîne une destruction des photorécepteurs de la rétine.
    > Environ 100 000 personnes sont atteintes de la maladie de Parkinson. Et les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) touche 2 % de la population.

    En France, un consortium multidisciplinaire coordonné par José Sahel, directeur d'une équipe Inserm et chef de service au centre hospitalier des Quinze-Vingts, travaille sur une rétine artificielle. « La puce électronique placée au centre de la rétine devra atteindre une résolution de 600 pixels, fenêtre visuelle indispensable pour la lecture », indique Serge Picaud, directeur de recherche à l'Inserm, membre du consortium.

    Encore un peu plus proche de ce qui est l'essence même d'un être humain, certains implants interfèrent directement avec les neurones du cerveau. « La stimulation d'électrodes implantées dans des zones précises du noyau subthalamique permet de faire régresser les tremblements, l'akinésie et la rigidité de la maladie de Parkinson », commente Jérôme Yelnik, qui dirige l'équipe Inserm U679 à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Ces électrodes, fabriquées, entre autres, par la société américaine Medtronic, possèdent quatre plots de stimulation. La tension, la fréquence et le choix du plot activé peuvent être adaptés selon le résultat désiré et le patient. Plusieurs centaines de personnes ont été im-plantées ces dernières années. Mais le champ des applications de la neu-rostimulation pourrait bientôt s'étendre. « Nous avons observé des changements d'humeur chez certains patients. La neurostimulation peut être utilisée pour soigner les troubles obsessionnels compulsifs, les Toc », poursuit Jérôme Yelnik. Pour comprendre ce qui se passe et cerner le potentiel de cette technique, les chercheurs sont en train de dresser (avec des techniques d'imagerie) un « atlas » des régions du cerveau et d'étudier la façon dont le courant diffuse. L'idée de pouvoir moduler les humeurs des patients à l'aide d'un courant de faible intensité peut faire peur. Mais ces recherches sont réalisées avec toutes les précautions nécessaires et en accord avec les comités d'éthique compétents.

    La quête de l'implant parfait

    Les avancées de la neurostimulation ont redonné du coeur à l'ouvrage aux équipes qui travaillent dans la restauration du mouvement. En 2000, un projet européen avait montré qu'un système d'implants au niveau de l'abdomen relié à douze électrodes permettait à un patient paraplégique d'effectuer quelques pas. Mais le bénéfice fonctionnel était trop faible par rapport à la fatigue et aux problèmes d'équilibre engendrés. Au bout d'une dizaine de pas, le patient était contraint à s'arrêter, alors que la chirurgie nécessaire pour arriver à ce résultat était extrêmement lourde.

    Après ce constat, à partir de 2003, une équipe de l'Inria de Montpellier est repartie sur de nouvelles approches, avec des objectifs plus réalistes. « Nous visons une station debout et un passage debout-assis de qualité. Restaurer la marche reste pour le moment utopique », explique David Guiraud, responsable du projet déambulation et mouvement artificiel de l'Inria. Son équipe travaille d'une part sur la modélisation des interactions entre les systèmes sensoriel et moteur, et d'autre part sur des neuroprothèses implantées. « Nous envisageons un réseau d'électrodes multipolaires non reliées entre elles, avec pour chacune, son système électronique à proximité », poursuit David Guiraud. Ce qui devrait simplifier la chirurgie et augmenter la qualité de la stimulation.

    Electronique et humain, le mariage est-il possible ?

    L'implantation de matériel électronique dans le corps humain a toujours provoqué beaucoup de fantasmes. Mais dans la réalité, les inquiétudes des patients sur le côté artificiel sont vite levées. « A partir du moment où la fonction est restituée, les patients montrent une grande adaptabilité et une grande tolérance vis-à-vis de l'implant électronique », souligne Benoît Virole, psychologue à l'hôpital Robert-Debré de Paris, qui suit les patients ayant reçu un implant cochléaire. Il est important de prendre le temps d'expliquer aux patients que le résultat de la fonction restaurée sera toujours en dessous de la fonction initiale. « Un bilan préimplantatoire est réalisé. Les besoins et les attentes du patient sont évalués et nous nous assurons qu'il a une bonne perception de ce que va lui apporter l'implant », poursuit le psychologue.

    La difficulté majeure de tous ces implants électroniques est qu'ils trempent dans un milieu biologique, ni neutre, ni stable. Beaucoup de recherches sont donc effectuées au niveau des matériaux. Si l'or reste encore majoritairement utilisé, le diamant est aussi exploré. Sous forme de revêtement de synthèse d'environ 1 micron d'épaisseur, il a l'avantage d'allier une biocompatibilité parfaite (il est composé de carbone), d'être stable électrochi- miquement et d'être semi-conducteur. Alors que l'or est un métal inerte mais reste conducteur. « Nous travaillons à la fois sur des transistors en diamant qui viendraient directement stimuler les nerfs, et à plus long terme sur un véritable composant électronique en Diamant », explique Philippe Bergonzo, du laboratoire Capteurs diamant du CEA-List, qui participe au projet européen « Dreams ». Au niveau des électrodes implantées dans le cerveau, les chercheurs se tournent vers les nanotechnologies afin d'obtenir des électrodes plus fines, avec plus de plots et qui résistent mieux à l'agressivité des milieux biologiques. « L'électrode est un élément limitatif. Nous avons peu de choix en ce qui concerne leur géométrie ou les matériaux de surface », déclare Georges Rochat, de Valtronic Technologies.

    Des actes chirurgicaux très minutieux

    Une fois l'implant adéquat obtenu, le geste chirurgical reste extrêmement délicat et long. Le dispositif doit être placé au millimètre près. « Des tests informatiques sont effectués pour s'assurer du bon positionnement de l'implant et ils prennent du temps », explique Magali Boulais, d'Envoy Medical. Les implants auditifs de sa société actuellement commercialisés nécessitent trois ou quatre heures d'opération, pratiquée, en France, par seulement quatre chirurgiens ORL. Mais les opérations d'autres implants comme celles du cerveau peuvent être beaucoup plus longues !

    Pour certains implants, l'homme bionique est déjà une réalité. Pour d'autres, il faudra attendre une bonne dizaine d'années pour obtenir de réelles avancées. Mais, dans tous les cas, le potentiel est là et tout un champ de recherches dédiées au mariage de l'électronique et des fonctions biologiques est ouvert. « L'homme qui valait trois milliards » et « Super Jaimie » pourraient bientôt avoir de la concurrence.


    Anne Pezet
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